Jeong‐suk rejoignit les trois femmes, qui s’attelaient depuis trois jours à la préparation des fils. L’herboriste Choi Ji‐u était assise en tailleur au‐dessus d’un tapis de toile posé à même le sol. À côté d’elle, la marchande Yang Hui comptait les fils enroulés en boule, qu’elles avaient confectionnés durant les derniers jours. Leurs lèvres étaient gercées à force de séparer les fibres de ramie. Elles les avaient ensuite traitées à l’eau, avant de les laisser sécher un jour durant. Avait alors commencé le long travail de création des fils. Patiemment, fibre par fibre, elles avaient entortillé l’ouvrage, jusqu’à obtenir de long fils qu’elles avaient ensuite peignés jusqu’à ce qu’ils ressemblent à du crin de cheval. La tâche en avait finalement valu la peine. Elles allaient pouvoir commencer la préparation du tissage. Dame Choi héla Jeong‐suk :
— Mademoiselle Bae, par ici. Nous allons commencer à préparer le fil de chaîne.
Elle attrapa une bobine de ramie. Tirant sur le fil, elle l’entrecroisa d’abord autour du chemin de fils. Puis elle emmena la longue chaîne s’enrouler autour des quatre bâtons situés à vingt pieds de distance. Elle passa le fil une première fois autour du premier bâton, puis marcha à l’opposé vers les quatre autres qui lui faisaient face. Zigzagant d’un fuseau à l’autre, elle suivait le fil, qui bientôt forma une première ligne. Elle continua inlassablement ce même mouvement. Au bout de vingt minutes, elle laissa Jeong‐suk essayer. La jeune fille prit le relais. La douceur des fils se posa entre ses doigts. Elle imita les gestes de l’herboriste.
— Il faut y aller lentement, voilà comme ça, disait cette dernière. Attention à ne pas croiser les fils.
Au bout d’une heure de travail, l’écheveau était prêt. Choi Ji‐u saisit la chaîne entre ses mains, et remontant le fil, elle le natta. La tresse ainsi obtenue évitait aux fils de s’emmêler. Jeong‐suk regardait avec émerveillement la natte répondre à la lumière du soleil.