C’était l’un des rares de la région qui n’avait pas encore été pillé. Les champs d’orge et de millet grimpaient depuis la vallée, jusqu’à raser le bas des montagnes. Les champs de riz sec, moins nombreux, appartenaient à la famille Gu, qui les faisait cultiver par leurs esclaves. On pouvait aussi voir, presque à l’entrée du village, les champs de pois, de soja et de haricots mungo de maître Ko. Il se faisait appeler « Maître » par vantardise, car il était l’un des paysans les plus prospères de la région. La guerre, en affamant les autres, l’avait enrichi. Mais s’il se vantait de sa nouvelle richesse, il n’en demeurait pas moins un brave homme. Plus d’une fois, il avait nourri des vagabonds qui mendiaient sur la route. Il avait même pris sous son aile un orphelin sans nom. Les maisons au toit de chaume remontaient à leur tour le long de la vallée. Le village comptait plusieurs centaines de maisons. Mais la plupart étaient désormais désertes. Nombre d’habitants avaient fui durant la première invasion. En tout, il restait près de cinq cents personnes qui peinaient à s’acquitter des corvées et des travaux des champs.
Les fonctionnaires envoyaient des colporteurs pour convaincre les urbains de venir travailler. On promettait même d’affranchir des esclaves, tant le besoin de bras aptes à travailler la terre était devenu vital. Les impôts, eux, augmentaient. Les fonctionnaires et les soldats, qui étaient devenus si rares, apparaissaient soudainement, réclamant des tributs que les villageois ne pouvaient fournir. Les montagnes avaient beau être aussi belles et calmes qu’au temps du roi Sejong, l’époque hurlait dans un chaos qui ne semblait pas avoir de fin. Et c’était ce chaos qui arrivait sur le village.