Sa-ram rencontre les jangseung

Le fantôme du garçon de Namwon était resté de longs jours aux abords du village. Ce n’était pas facile de convaincre les jangseung ici. Sous le mont Obong, on lui avait vite donné un sauf‐conduit. Dès son arrivée, l’esprit ayant sauvé les villageois par l’intermédiaire de Ha‐neul, il avait été autorisé à entrer et sortir comme il le voulait. Ce côté de la montagne était plus paisible. Les esprits protecteurs, enracinés dans le sol, passaient le plus clair de leur temps à compter les insectes qui entraient et sortaient. Leurs innombrables yeux, qui encerclaient le village, suivaient la moindre ombre. C’était comme des lasers scannant inlassablement les limites du village. Suivant du regard les papillons, ils se mettaient alors à loucher et l’ombre de leur nez faisait sonner l’alarme.
— Intrus non identifié, intrus non identifié !
— C’est ton nez imbécile.
— Annonce ! L’alerte était une fausse alerte.

Au bout de deux jours, In Sa‐ram avait décidé de changer d’approche. Il était revenu tout penaud.
— Oh grand jangseung, gardiens du village, laissez‐moi au moins être utile. Je pourrais apprendre de vous et servir les vivants. J’ai bien réfléchi. Depuis que je suis devenu un esprit, je commets de nombreuses erreurs. J’interviens dans le destin des humains. Je fuis les psychopompes. N’avez‐vous pas pitié d’une jeune âme qui voudrait juste faire au mieux pour ne pas se démarquer ?! Comment saurais‐je me perfectionner sans maîtres d’excellence ? Apprenez‐moi, je vous en prie, la voie des esprits protecteurs. Il les flattait ainsi quand un des jangseung, le plus vieux du village, toussota de satisfaction. Son bois était grisé par l’âge et rongé par les termites. Les trous accueillaient des araignées qui remontaient le long de sa silhouette courbée.
— Je crois que nous t’avons mal jugé, dit‐il. Il est temps pour nous de te donner la chance d’apprendre à être un bon gardien. Ils lui avaient alors transmis un sauf‐conduit. Le ruban jaune, brodé de rouge et de bleu, s’enroula autour de son poignet.
— Ceci est la marque des apprentis jangseung. Où que tu ailles désormais, les esprits protecteurs te reconnaîtront comme un des leurs.

In Sa‐ram s’était incliné respectueusement.
— Et maintenant, l’apprenti, va donc chercher ce maudit chat ! avait rouspété le vieux dieu de bois.

Sa-ram Jangseung
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